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La reconstruction à Blois

Depuis peu, l’architecture et l’urbanisme de la Reconstruction constituent un nouveau champ patrimonial. La prise en compte de cet urbanisme de l’après-guerre pour l’aménagement des villes explique l’intérêt croissant que lui portent les institutions patrimoniales et la population locale. Grâce au travail de recherche mené par le service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel de la Région Centre–Val-de-Loire au début des années 2010, le service Ville d’art et d'histoire de Blois vous propose d’emprunter ce parcours pour découvrir la ville et sa reconstruction d’après-guerre.

Contexte historique

Suite aux bombardements allemands de 1940, la ville est ravagée sur une surface d’environ six hectares. Blois est déclarée sinistrée par arrêté le 31 juillet 1940 et en septembre Paul Robert-Houdin, architecte local, est nommé pour l’établissement d’un plan d’aménagement de la partie détruite de la ville. Mais la reconstruction s’organise finalement au niveau national et l’urbaniste parisien Charles Nicod est chargé du dossier en mars 1941.

Le plan choisi s’adapte aux spécificités et aux richesses de la ville. Il est conçu dans l’objectif d’une valorisation de ses qualités paysagères et monumentales, ainsi que dans la perspective de son développement touristique. Il s’agit d’une part de favoriser l’intégration harmonieuse de l’architecture nouvelle à l’enveloppe de la ville préservée.

D’autre part, on travaille à la mise en valeur des perspectives découvertes après les destructions : la vue sur le château et sur la cathédrale depuis la place. de la tête de pont, etc. La question de la visibilité aux abords des édifices classés et sous les remparts fait l’objet d’une réglementation sur la hauteur des bâtiments.
De cette manière, Charles Nicod dessine le paysage urbain de Blois : la présence des bâtiments, leur couleur, leur texture,leur échelle, leur style architectural, leur caractère et leur lisibilité.

Néanmoins, des choix controversés sont faits et relativisent le souci qu’a eu l’architecte de conserver le patrimoine blésois : on sacrifie la halle métallique et l’ancienne poissonnerie pour la reconstruction d’un équipement unique et plus moderne, la Tour d’Argent pour l’alignement de la rue des Trois-clés, le théâtre pour l’agrandissement de la place Louis‑XII et le dégagement de la vue du Château royal sous la direction d’un nouvel architecte, André Aubert.

La Reconstruction commence à partir de 1946 mais, en raison de différentes difficultés, les travaux se prolongent finalement jusqu’au milieu des années soixante.

Focus : existe-t-il un style architectural de la reconstruction ?

Au niveau national, il n’existe pas réellement un seul style d’architecture de la Reconstruction. On peut parler à Blois d’un style régionaliste. En effet, en reprenant le découpage traditionnel en îlots, on évite de trop longs alignements pour favoriser une meilleure intégration au bâti existant, préservant ou recréant par ailleurs des perspectives sur le château ou sur la cathédrale.

De plus, on incite les différents architectes opération en charge des chantiers de reconstruction des immeubles à construire des bâtiments variés, gage d’une bonne intégration dans un quartier pittoresque. En dépit de leur sobriété, les façades se singularisent de fait par leur rythme et des effets de volumétrie produits par des balcons, des soulignements verticaux ou horizontaux,des corniches, des encadrements de baies. Les emprunts à l’architecture locale sont choisis dans un répertoire restreint de « motifs » architecturaux locaux – lucarnes, oculi – et agencés de manière singulière.

La Reconstruction est une étape fondatrice dans l’évolution de la ville de Blois. Favorisant l’innovation technique et marquant le début de la préfabrication, elle dote également des logements du confort moderne : luminosité, parties communes assainies, arrivée de l’eau courante dans chaque appartement, etc. Elle est le prélude à l’architecture des Grands ensembles.

On ne peut pas songer à faire du vieux neuf, à construire des bâtiments copiant ceux du passé.

—Hubert-Fillay, « La Reconstruction de Blois » dans , décembre 1941

Parcours : la reconstruction à travers la Ville

1 km. Durée estimée : 1 heure.

Le parcours démarre de la place du Château, s’arrête devant les Hôtels d’Amboise et d’Épernon, descend l’escalier Saint-Martin pour tomber sur la place Louis-XII, empreinte la rue Anne-de-Bretagne en direction de l’actuelle Maison de la bd, remonte le quai de la Saussaye en marquant une pause place Valin-de-la-Vaissière. Il continue ensuite place de la Résistance, fait un petit détour pour emprunter la première moitié du pont Jacques-Gabriel, et revient rue Denis-Papin, puis rue des Trois-clés pour passer devant l’immeuble Rousset, et se termine au 20 rue du Commerce.

  1. Place du Château.
    Les bombardements de juin 1940 et l’incendie qu’ils déclenchent détruisent la totalité des immeubles bordant le côté sud de la place du Château. Alors que la ville comptait énormément de sinistrés à reloger, la solution préconisée par Charles Nicod de ne pas reconstruire l’emporte grâce à l’argument de la réversibilité. L’aménagement de la place est confié à l’architecte parisien Charles Dorian qui imagine un nouvel écrin architectural et végétal pour le château. Considéré comme secondaire dans un contexte de pénurie de logements, l’aménagement des espaces publics à proprement parler, place et jardin, n’est réalisé que partiellement entre 1955 et 1960.
  2. Hôtels d’Amboise et d’Épernon reconstruit.
    Les hôtels d’Amboise et d’Épernon datent du règne de Louis XII (1498–1515). En juin 1940, l’incendie provoqué par le bombardement de la ville basse menace le Château. On fait alors sauter les deux hôtels à la dynamite pour éviter la propagation du feu au monument. Tout le côté sud de la place du Château n’est plus que ruines. Au cours de l’élaboration du plan de reconstruction et d’aménagement de la ville de Blois, il est décidé que les hôtels seront les deux seuls édifices reconstruits au sud de la place, leur restitution permettant de rendre à la prestigieuse façade Louis-XII un écrin et une échelle.
  3. La place Louis-XII.
    Sur cette place, rien ne subsiste entre les contreforts du Château et la Loire à l’exception de la halle métallique, du théâtre et de la fontaine Louis-XII. Des Blésois proposèrent à l’été 1940 des projets qui s’accordent tous sur un point : le nécessaire agrandissement de la place. En 1942–1943, l’architecte André Aubert effectué une étude spéciale d’architecture où il conçoit une place plantée de nombreux arbres et fixe les contraintes de hauteur et de matériaux pour les immeubles à reconstruire. Il ne définit pas de véritable ordonnance d’architecture mais prône plutôt une variété, plus propice à des effets pittoresques. Les travaux de la place Louis-XII, fortement contraints par les destructions du théâtre et du marché ainsi que par le déplacement des baraques mises en place pour les commerçants sinistrés, durent de 1947 à 1966.
  4. Le marché et la poissonnerie.
    Avant-guerre, le marché était installé dans une halle métallique construite dans les années 1890 sur le côté sud de la place Louis-XII. La halle fut épargnée par les destructions de 1940. La poissonnerie, située rue du Commerce, fut, elle, légèrement endommagée. Cependant, alors que les bâtiments étaient réparables, leur réunion en un bâtiment unique fut envisagée dès 1940. C’est l’architecte blésois Marc Paget qui donne les plans du marché. Ce dernier est mis en service en août 1961 mais périclite dans les années 1980 dans le contexte du fort développement des grandes surfaces installées en périphérie. Le bâtiment a depuis été modifié pour changer de fonction ; son premier usage marchand n’est plus lisible du tout. Il accueille aujourd’hui la Maison de la BD et une antenne de l’université.
  5. Place Valin-de-la-Vaissière.
    L’emplacement de l’actuelle place Valin-de-la-Vaissière était occupé par le collège Augustin-Thierry et la halle métallique du marché. Les bombardements de juin 1940 et les incendies détruisent le premier et endommagent la seconde. La reconstruction du collège n’est jamais envisagée in situ, et dès lors, des projets d’aménagement prestigieux se succèdent pour cet emplacement aux qualités nombreuses : central, ensoleillé et en bord de Loire. Un tel site est considéré digne de recevoir un équipement public. Charles Nicod propose de construire une salle des fêtes pour remplacer le théâtre de la place Louis-XII promis à la démolition. Mais ce projet, secondaire par rapport à l’urgence du relogement, est un temps repoussé avant d’être déplacé à la fin des années 1950, vers la ville haute et la halle aux grains.
  6. Place de la Résistance.
    Avant-guerre, le pont débouchait directement sur la rue Denis-Papin. De l’avis des Blésois, il manquait une place de tête de pont faisant le lien entre ce dernier et la rue et facilitant ainsi la circulation. Charles Nicod propose une place au plan dégagé et semi-circulaire dans l’axe d’une rue Denis-Papin élargie. Les perspectives découvertes après les destructions sont préservées par l’ouverture de nouvelles voies rayonnantes. En 1946, la cérémonie de pose de la première pierre de la Reconstruction de la ville est organisée place de la Résistance en présence du ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme. L’aménagement de la place elle-même n’intervient que dans la seconde moitié des années 1950.
  7. Pont Jacques-Gabriel.
    Le 18 juin 1940, l’armée française fait sauter la 10e arche du pont pour freiner l’avancée de l’armée allemande. Le pont n’est pas touché par les bombardements alliés des 10 et 14 juin 1944. Deux mois plus tard, le 16 août 1944, les Allemands font sauter les trois arches centrales, pour protéger leur retraite en Vienne. Dès la Libération en septembre 1944, on déblaie les gravats du pont et on pose une passerelle sur les piles. Celle-ci est suivie d’une seconde passerelle, édifiée à partir de fin 1945. Le pont est inauguré et ouvert à la circulation en décembre 1948. Avec la façade de l’Hôtel d’Épernon, le monument est le seul exemple de reconstruction à l’identique de la reconstruction après-guerre de la ville de Blois.
  8. Immeuble Rousset.
    L’immeuble, 6 rue des Orfèvres, est reconstruit à partir des années 1952 pour les établissements Rousset, fabricants de chaussures dont les deux usines ont également été sinistrées en juin 1940. Après la guerre, les établissements choisissent de consacrer leurs dommages de guerre au rétablissement de l’activité sur le site Victor-Hugo et à la reconstruction de l’immeuble et du magasin de vente. Par ses matériaux de vente (un des rares immeubles dont la façade est intégralement en pierre de taille), son gabarit, sa singularité et la qualité de ses finitions, tant extérieures que intérieures, cet immeuble marque avec force l’urbanisme de cette placette.
  9. Immeuble du 20 rue du Commerce.
    L’immeuble est construit à partir de 1949, probablement sur les plans de Paul Robert-Houdin ou d’Henri Lafargue, tous deux architectes des monuments historiques. Avec sa façade entièrement en pierre de taille et sans doute d’inspiration médiévale, il est l’un des immeubles les plus pittoresques de la ville reconstruite. Depuis sa construction, le bâtiment n’a subi que très peu de modifications.

Blois, ville d’art et d’histoire

Un service municipal dédié œuvre pour faire découvrir le patrimoine blésois, par des visites thématiques commentées par des guides-conférencièr·es, des parcours balisés, une signalétique patrimoniale et des publications « Laissez-vous conter… » comme celle ci-dessus.

Le service initie également les enfants en sortie scolaire à l’architecture, à l’urbanisme, au patrimoine, par des visites générales ou thématiques, comme « L’habitat à la Renaissance » ou « Blois Memory », par des ateliers d’initiation au montage d’une voûte d’ogives ou à des techniques artisanales comme celui du vitrail.