environnement

Rencontres scientifiques de Blois : entretien avec Jean Jouzel

Mondialement reconnu, le paléoclimatologue Jean Jouzel animera une conférence grand public sur le climat, mercredi 25 mai 2022 à 20 h 30 à la Halle aux grains, lors des Rencontres scientifiques de Blois 2022 prévues du 22 au 27 mai. Thème de cette édition : « Explorer l’univers sombre ».

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Blois mag : Après avoir été ingénieur, vous vous êtes spécialisé dans la paléoclimatologie. Pourquoi avoir choisi cette spécialité ?

Jean Jouzel : Au cours de ma thèse consacrée à l’étude de la formation des grêlons, j’ai côtoyé le glaciologue Claude Lorius qui m’a incité à m’intéresser à l’étude des glaces polaires en vue de reconstituer les climats du passé. Dans les deux cas, grêlons et glaces polaires, l’approche est basée sur l’analyse de la composition isotopique de la glace, les quantités d’hydrogène lourd et d’oxygène lourd étant fonction de la température de formation des précipitations. Cette analyse isotopique nous a, par exemple, permis de reconstituer l’évolution du climat de l’Antarctique au cours des 800 000 dernières années.

Vous animerez une conférence grand public sur le réchauffement climatique lors des Rencontres de Blois ce mois-ci. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J. J. : Cette conférence sera centrée sur le sixième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dont les rapports des trois groupes de travail ont été récemment adoptés. Cela me conduira à faire le point sur le réchauffement climatique, sa réalité, ses causes, ses conséquences et l’urgence des mesures à prendre pour le stabiliser à long terme de façon à ce que les jeunes d’aujourd’hui puissent s’y adapter, au moins pour l’essentiel. J’aborderai ensuite les conséquences de ce réchauffement dans notre pays, sur la nécessaire adaptation qui devrait en résulter et les mesures de nature à nous mettre sur la voie d’une neutralité carbone à horizon 2050.

Dans votre récent rapport au ministère de l’enseignement supérieur, vous placez les jeunes au centre du développement de la transition écologique. Quels sont les grands axes de travail que vous proposez ?

J. Z. : Le rapport que nous avons remis à Frédérique Vidal il y a quelques semaines plaide pour la mise en place de nouvelles politiques éducatives qui auraient pour objectif, à terme, de “faire en sorte que chacun dispose des connaissances et de compétences à même de lui permettre d’agir pour la Transition écologique en tant que citoyen et en tant que professionnel”. C’est une mission de l’enseignement supérieur désormais inscrite dans un texte de loi. Dans la mesure où tous les étudiants sont concernés, quel que soit leur cursus, la priorité est mise au niveau Bac +2 ce qui permettra de maintenir la continuité avec les enseignements dispensés lors des cycles scolaires primaires et secondaires.

On a beaucoup reproché aux grandes entreprises d’être en retard sur la question, pensez-vous que c’est encore le cas aujourd’hui ?

J. Z. : Par rapport aux entreprises, le panorama est assez contrasté. Certaines d’entre elles ont du mal à s’investir dans cette transition qui se traduira par des changements importants du mode de fonctionnement de nos sociétés. D’autres ont compris que cette transition est inéluctable et l’ont inscrite dans leur perspective de développement. Elles se sont mobilisées mais c’est l’ensemble de notre tissu économique qui doit se sentir concerné.

Quelle serait selon vous la ou les mesures les plus efficaces pour ralentir le réchauffement climatique ?

J. Z. : La production d’une énergie non émettrice de gaz à effet de serre, neutre en carbone, est un objectif clé à horizon 2050 ; mais cela ne sera pas suffisant. Efficacité énergétique mais aussi sobriété doivent être au rendez-vous. Il faut investir de façon massive dans l’isolation des bâtiments, une mobilité plus sobre et une alimentation globalement moins émettrice, aussi bien au niveau de la production agricole que du gaspillage et du régime alimentaire. Dans ces trois domaines, se loger, se déplacer, se nourrir, les propositions de la convention citoyenne pour le climat — que j’évoquerai — sont ambitieuses et pertinentes.