Le 24 août 2022, BorgWarner (ex Delphi) tournait dans les rues de la ville une vidéo visant à promouvoir le système d’injection hydrogène développé sur son site local, adapté sur un véhicule prototype. L’hydrogène « made in Blois », solution de demain ? Alternative efficace au diesel et autres carburants polluants de nos véhicules ? Rencontre avec Jean-Luc Beduneau, directeur de l’innovation du site BorgWarner de Blois.
Depuis combien de temps travaillez-vous à cette solution hydrogène ?
Jean-Luc Beduneau : Nous avons lancé ce projet fin 2019, suite à une série de constats. D’une part, nous savons que le diesel a des perspectives limitées, ce qui nous engage à travailler pour l’avenir du site. D’autre part, il y a la problématique environnementale et celle de nos clients qui souhaitent décarboner leurs véhicules. Enfin, il y a l’analyse de nos compétences. Pour décarboner un véhicule, il existe trois solutions : l’électrique, l’hydrogène “pile à combustible” et l’hydrogène brûlé. Or, cette dernière utilise la technologie du moteur à combustion, pour laquelle nous possédons une réelle expertise. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes dirigés vers cette solution, qui s’inscrit pour nous dans une continuité technologique et fait appel aux mêmes compétences que celles dont nous disposons ici, à Blois.
Comment cette solution fonctionne-t-elle ?
J.-L.Beduneau : L’objectif est de conserver la technologie du moteur à combustion, mais en remplaçant un carburant qui comprend des chaînes carbonées par un autre qui n’en comprend pas, en l’occurrence l’hydrogène. Notre solution n’émet donc pas de CO2, hormis un léger dégagement résiduel dû à une petite remontée d’huile du moteur. En outre, cette technologie nous permet de faire une réutilisation maximale de l’existant, du levier de vitesse au châssis du véhicule, en passant par le moteur, auquel nous n’apportons que quelques modifications. Les deux seules choses qui changent vraiment sont, sur le moteur, le système d’injection et sur le véhicule, le réservoir de carburant.
À quels types de véhicule bénéficiera cette technologie ?
J.-L.Beduneau : Dans un premier temps, nous allons procéder à la modification de flottes de véhicules. C’est le rétrofit, qui va permettre de passer d’un fonctionnement diesel à un fonctionnement hydrogène. Aujourd’hui, le taux de renouvellement des flottes de véhicules est très faible, de sorte qu’il faut beaucoup de temps pour imposer un nouveau modèle. En revanche, si vous modifiez l’existant, comme nous nous proposons de le faire, l’impact sera beaucoup plus rapide.
De manière plus générale, pour ce qui concerne le profil des véhicules, nous ne visons pas le marché des petites citadines, auxquelles l’électrique convient bien, mais plutôt celui des utilitaires qui font beaucoup de kilomètres ou qui devront braver l’interdiction d’entrer dans les villes avec des véhicules polluants, et plus encore celui des camions et du transport de marchandises.
Que manque-t-il pour que ce procédé puisse se généraliser ?
J.-L.Beduneau : D’un point de vue général, il y a un enjeu important quant au déploiement de la distribution d’hydrogène, mais pour ce qui nous concerne plus particulièrement, ce que nous attendons, c’est une norme qui considère les véhicules équipés de notre technologie comme fléchés « zéro émission », malgré ce très léger dégagement de CO2 dû à ces petites remontées d’huile. Aujourd’hui, avec ce système, nous cochons déjà les cases des normes actuelles, et même de celles à venir. Pour autant, cette question du « zéro émission » représente un enjeu majeur.
J.-L.Beduneau : Dans les années 2000, BMW a fait un prototype utilisant la même technologie, mais la puissance n’était pas au rendez-vous, et le monde n’était pas prêt. Aujourd’hui, il l’est, et nous, nous sommes dans les premiers à avoir mis un véhicule sur la route et à avoir prouvé, grâce à notre démonstrateur, l’efficacité de notre solution. De ce fait, les retours sont positifs et les constructeurs se montrent intéressés, mais ils sont aussi en attente du positionnement du législateur sur la notation par rapport à l’émission de CO2.
Quelles sont les prochaines étapes ?
J.-L.Beduneau : Nous travaillons pour que la technologie soit mature d’ici 2 ans, sachant qu’il y a une phase d’homologation. Nous avons déjà signé un contrat de démarrage en série pour une application spécifique pour 2024, et nous avons été contactés par des propriétaires de grosses flottes de véhicules qui veulent décarboner, être leader sur le marché et s’intéressent à l’opportunité de le faire avec nous. Aujourd’hui, l’objectif est d’abord de passer la norme, de signer d’autres contrats et de se lancer sur le marché.