L’onde de choc engendrée par la chute d’un géant est toujours vive et intense. Mais c’est sans commune mesure avec celle ressentie à Blois et à la Fondation du doute, le 5 juin 2024 à l’annonce de la mort de Ben. La Fondation du doute perd là son fondateur et son complice de toujours, ainsi que son épouse Annie, « soutien inébranlable de son œuvre artistique tout au long de leur vie commune », selon les propres termes de la famille Vautier.
L’artiste occupe une place importante dans l’histoire de l’art du 20e siècle et ses œuvres sont présentes dans les plus grandes collections internationales, tel son fameux Magasin acquis par le Centre Pompidou en 1974. D’autres de ses œuvres sont exposées au MoMa à New-York, à la Art Gallery of New South Wales à Sydney, à Kunsthalle en Allemagne, etc. Son œuvre s’affirme comme une réflexion permanente sur l’art et la vie, à l’instar de ce que fut le mouvement Fluxus : une mise en doute radicale de toutes nos certitudes.
La première rencontre entre l’artiste et Blois a eu lieu en 1995, à l’occasion de la réalisation du Mur des mots, inauguré le 30 octobre. Commande publique passée à l’artiste et initiée par Jack Lang, alors maire de Blois, cette rétrospective de ses plus célèbres tableaux-écritures constitue l’une des œuvres les plus conséquentes de Ben. L’artiste reviendra ensuite à plusieurs occasions dans ce qui s’appelle alors le Musée de l’Objet : dès 1996, il orchestre dans la cour des mots un concert Fluxus (Window Music. Concert pour 26 fenêtres) puis présente, en 2003 dans le pavillon, l’installation monumentale Ben’s Bizart Bazart (2002).
Mais c’est avec la création de la Fondation du doute, inaugurée le 5 avril 2013, que se cristallisera le lien fort qui unit l’artiste à Blois : sur les 1 500 m² de ce qu’était le Musée de l’Objet et qui lui sont proposés par Marc Gricourt, Ben décide d’y faire non pas un « musée » mais un espace de rencontres et de discussions qui puise sa vitalité et son esprit au sein même de la liberté iconoclaste du mouvement Fluxus. Grâce à son indéfectible soutien, ce seront désormais 400 œuvres et documents d’une cinquantaine d’artistes internationaux majeurs et membres de Fluxus, qui y sont réunis à partir de sa collection personnelle ainsi que celles de ses amis Gino Di Maggio et Caterina Gualco, constituant ainsi l’ensemble le plus important en Europe autour de Fluxus.
Ben sera à nouveau régulièrement présent à Blois, notamment dans le cadre de résidences, d’expositions personnelles ou collectives. Ainsi avec son exposition « On peut le faire », il présente en 2018 des œuvres peu ou jamais montrées ainsi que celles issues d’une résidence artistique sur place. En 2022, à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de Fluxus par la Fondation, il inaugure une nouvelle exposition personnelle, sa dernière à Blois. Intitulée « L’ego indestructible », elle explore des thèmes particulièrement chers à l’artiste, tels que l’identité, l’ego et la résistance, traités ici avec son humour et sa sagacité habituelle, et qui résonnent étrangement avec notre actualité…
À n’en pas douter, Ben et son œuvre laisseront une trace dans l’art mais aussi dans la vie quotidienne. Et peut-être à Blois plus encore.